“La fillette et le vautour”, ce titre simple ne laisse aucune place à l’imagination. Prise pendant la famine de 1993 au Soudan du Sud, la photographie de Kevin Carter a suscité l’émotion tout autour du globe. Initialement spécialisé dans le journalisme sportif, Carter décide au début des années 1990 de s’orienter vers un photojournalisme politique.
Le sud africain s’engage alors avec l’aide de 3 collègues de dénoncer la fin de l’apartheid. Le Bang Bang Club, c’est le nom de l’association au travers de laquelle les 4 photojournalistes partent sur le terrain, est en outre l’organisme qui est parvenu à prendre la première photo du supplice du pneu enflammé. C’est d’ailleurs Kevin Carter qui fût à l’origine du célèbre cliché que nous traiterons dans un futur article.
Histoire d’une photo maudite
Quand il arrive sur les lieux près d’Ayod au Soudan, Carter est saisi par l’image dont il est témoin. Il prend plusieurs photos et attend que le vautour déploie ses ailes pour une mise en scène encore plus violente. Pour aller encore plus loin, il attend que le vautour s’approche, tel un curseur allégorique signe que la faiblesse engendrée par la famine est à son comble et que la population est à terre.
Après plusieurs minutes sur les lieux, le photojournaliste de Bang Bang Club revient dans le village où est installé son campement et avouera à son collaborateur son état de dépression :
Il était clairement désemparé. Pendant qu’il m’expliquait ce qu’il avait photographié, il n’arrêtait pas de montrer du doigt quelque chose qui avait disparu. Il n’arrêtait pas de parler de sa fille Megan, il avait hâte de la serrer dans ses bras. Sans aucun doute, Kevin a été très affecté par ce qu’il avait photographié, et cela allait le hanter jusqu’à la fin de ses jours.
– Joao Silva, photojournaliste membre du Bang Bang Club
Un an après la publication par le Times de la photographie, Kevin Carter reçoit le prestigieux prix Pulitzer … et une pluie de critiques après qu’il a avoué ne pas être venu en aide à l’enfant. Les critiques l’assimilent à un vautour stipulant qu’il y avait plusieurs charognards sur les lieux ce jour-là. Endetté, hanté et dépressif, Carter se suicide au monoxyde de carbone en juillet 1994, quelques mois après avoir reçu son prix.
Qui est ce petit garçon sur la photo ?
Touché par l’histoire de cette photographie légendaire et pleine d’émotion, le journaliste d’El Mundo Roberto Rojas part en quête de trouver des informations sur le contexte de la photo de Carter. Sur place, il rencontre un partenaire de Carter et fini par retrouver le père de l’enfant. Kong Nyong, c’est son nom, n’est pas mort ce jour-là. Sa tante, tutrice après la mort en couche de sa mère, était à quelques pas attendant les rations distribuées par les ONG. Le bracelet au poignet de l’enfant montre par ailleurs qu’il était passé par les centres d’aide locaux.
Le père de Kong Nyong avoua à Rojas que son fils était finalement décédé de la fièvre paludéenne 14 ans plus tard. Un destin cruel pour l’enfant de “la fillette et le vautour”, une légende de la photographie.
Un documentaire sera tourné en 2006 sur le photographe Kevin Carter et réalisé par Dan Krauss. Un film fût également présenté lors du festival de Cannes en 2010. Le film s’intitule Bang Bang Club et retrace l’histoire du photographe et du groupe de journalistes pendant qu’il saisissait la fin de l’apartheid en Afrique du Sud.
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